Jack Kerouac
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Re: Jack Kerouac
Kerouac fut impliqué dans deux sales histoires crapuleuses, criminelles, extrêmement graves. Le 14 août 1944, Lucien Carr, jeune amant de Ginsberg, que Kerouac compare à Rimbaud, tue David Kammerer. Kerouac, non seulement ne dénonce pas le crime, mais participe activement à la dissimulation du cadavre. Lucien Carr s'en tirera avec deux ans de prison en prétextant avoir voulu défendre son honneur (entendre : sa vertu !) C'est cette histoire que raconte le roman co-écrit avec Burroughs, Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines.
Lucien Carr est décédé en 2005.
La deuxième histoire : le 6 septembre 1951, William Burroughs tue sa femme d'une balle en pleine tête. Kerouac est témoin. Il affirmera à la justice que le coup est parti accidentellement et l'affaire en restera là...
Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines de William Burroughs et Jack Kerouac (Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Josée Kamoun, Gallimard. "Du monde entier" 192 pages, 17,90 euros)
Lucien Carr est décédé en 2005.
La deuxième histoire : le 6 septembre 1951, William Burroughs tue sa femme d'une balle en pleine tête. Kerouac est témoin. Il affirmera à la justice que le coup est parti accidentellement et l'affaire en restera là...
Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines de William Burroughs et Jack Kerouac (Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Josée Kamoun, Gallimard. "Du monde entier" 192 pages, 17,90 euros)
hipnik- Messages : 1554
Date d'inscription : 01/08/2011
Re: Jack Kerouac
"J'ai lu sur la route vers 1959. Ça a changé ma vie comme ça a changé la vie de tout le monde."
Bob Dylan
Bob Dylan
neo-codion- Messages : 1946
Date d'inscription : 03/08/2011
Re: Jack Kerouac
hipnik a écrit:Festival Kerouac ! On the road again ! L'écrivain ultra-catholique est particulièrement fêté ce mois de mai (mois de Marie !)
Du 16 mai au 19 août 2012 : exposition du rouleau original de papier calque de 36 mètres sur lequel Kerouac a écrit Sur la route. Elle se tient au musée des lettres et manuscrits, 222 boulevard Saint Germain 75007 Paris et s'intitule " Sur le route de Jack Kerouac : l'épopée, de l'écrit à l'écran"
L'édition de "Sur la route. Le rouleau original" sort en tirage limité en Folio
Le 15 mai, sortie chez Gallimard de deux inédits : "Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines", roman co-écrit en 1945 avec William Burroughs et "Beat Generation", une pièce de 1957.
Le 23 mai, sortie en salle du film "Sur la route"
Je suis allé voir la (minuscule) exposition du rouleau original qui outre cette sainte relique présente également l'authentique Underwood qui a servi pour ... le tournage du film ainsi que les authentiques carnets de notes sur lesquels écrit Sam Riley dans le film !!! Mort de rire !!
hippium- Messages : 1819
Date d'inscription : 01/08/2011
Age : 44
Re: Jack Kerouac
Merci Jean-Luc de cette oeuvre d'art à la Warhol !
Durga- Admin
- Messages : 2792
Date d'inscription : 01/08/2011
Re: Jack Kerouac
Il faut rendre à César ce qui est à César ! C'est Vianney qui m'a envoyé cette variation sur Kerouac, je me suis contenté de la poster.
Vianney m'aide vraiment beaucoup pour l'administration du forum, heureusement souvent qu'il est là pour résoudre les petits problèmes techniques qui me dépassent ! Qu'il en soit ici infiniment remercié !
Vianney m'aide vraiment beaucoup pour l'administration du forum, heureusement souvent qu'il est là pour résoudre les petits problèmes techniques qui me dépassent ! Qu'il en soit ici infiniment remercié !
Re: Jack Kerouac
Vianney notre petit japonais est un gars super !
Dr_Natural- Messages : 1663
Date d'inscription : 02/08/2011
Re: Jack Kerouac
Moi je le sais que c'est un gars super : c'est mon fils !!
oiseaulys- Messages : 356
Date d'inscription : 01/08/2011
Re: Jack Kerouac
Comme son papa ??
patchouli- Messages : 269
Date d'inscription : 13/08/2011
Age : 73
Localisation : Région lilloise
Re: Jack Kerouac
Comme son papa !!
zazoue- Messages : 213
Date d'inscription : 01/08/2011
Age : 30
Localisation : Fontainebleau
Re: Jack Kerouac
Ce n'est pas moi qui vais me plaindre de voir ici le portrait de Jack Kerouac, ni en page d'accueil !
hipnik- Messages : 1554
Date d'inscription : 01/08/2011
Kill Your Darlings
hipnik a écrit:Kerouac fut impliqué dans deux sales histoires crapuleuses, criminelles, extrêmement graves. Le 14 août 1944, Lucien Carr, jeune amant de Ginsberg, que Kerouac compare à Rimbaud, tue David Kammerer. Kerouac, non seulement ne dénonce pas le crime, mais participe activement à la dissimulation du cadavre. Lucien Carr s'en tirera avec deux ans de prison en prétextant avoir voulu défendre son honneur (entendre : sa vertu !) C'est cette histoire que raconte le roman co-écrit avec Burroughs, Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines.
Lucien Carr est décédé en 2005.
La deuxième histoire : le 6 septembre 1951, William Burroughs tue sa femme d'une balle en pleine tête. Kerouac est témoin. Il affirmera à la justice que le coup est parti accidentellement et l'affaire en restera là...
Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines de William Burroughs et Jack Kerouac (Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Josée Kamoun, Gallimard. "Du monde entier" 192 pages, 17,90 euros)
Un film Kill Your Darlings est en train d'être tourné par John Krokidas aux Etats Unis sur cette histoire de meurtre de David Kammerer par Lucien Carr, il sortira en 2013. C'est Daniel Radcliff qui joue le rôle d'Allen Ginsberg et John Huston dans le rôle de Jack Kerouac...
Re: Jack Kerouac
Kerouac lors d'une soirée de lecture au Seven Arts Café à New-York en 1959.
C'est triste : il s'est "déguisé" en beatnik, avec son béret !
hipnik- Messages : 1554
Date d'inscription : 01/08/2011
Re: Jack Kerouac
Plus tard, il dira des hippies que c'est "la génération Pepsi d'illettrés tordus, d'étudiants abrutis réduits à n'être qu'un troupeau" !
hipnik- Messages : 1554
Date d'inscription : 01/08/2011
Re: Jack Kerouac
Références ? Je ne doute pas que Kerouac ait dit ça, c'était bien ce qu'il pensait des hippies, mais j'aimerais seulement avoir les références de cette citation. Merci.
Durga- Admin
- Messages : 2792
Date d'inscription : 01/08/2011
Re: Jack Kerouac
Il vient de sortir en Folio Maggie Cassidy de Kerouac qui raconte son adolescence à Lowell vers 1938-39, il a alors 16 ans, et ses émois pour la belle Maggie Cassidy, 17 ans...
Ce livre a été écrit en 1953 mais n'a été publié qu'après le succès de Sur la route
Ce livre a été écrit en 1953 mais n'a été publié qu'après le succès de Sur la route
hipnik- Messages : 1554
Date d'inscription : 01/08/2011
Re: Jack Kerouac
Jack Kerouac, le beatnik anticommuniste
Avec la parution de “Pic” – roman spontané et réaliste sur le milieu noir américain des années 40 – aux éditions de la Table Ronde, c’est maintenant la quasi-totalité de l’œuvre de Jack Kerouac (1922-1969) qui est disponible en français. Étonnante figure que Kerouac : prosateur talentueux, porte-parole des beatniks… et réactionnaire fieffé.
Jack Kerouac, c’est l’inventeur de la beat generation. La publication en 1957 de son roman Sur la route allait impressionner durablement toute une frange de la jeunesse américaine et européenne. Son mot l’ordre : « Lâchez tout, partez sur les routes ». Avec lui, la « virée frénétique », le « stop » prenaient une dimension littéraire.
Les écrivains de la beat generation sont issus de la bohème de San Francisco. Outre Kerouac, les plus intéressants ont pour noms : Allen Ginsberg, William Burroughs, Gregori Corso et Lawrence Ferlinghetti. Ensemble, au cours des années 1950-1960, ils ont marquer profondément la vie intellectuelle américaine. Leurs références ? Les auteurs du « décrochage » ; ceux pour qui la poésie est une manière de vivre : Whitman, mais aussi Baudelaire et Rimbaud. Et puis les stylistes. Joyce, et bien sûr Céline. Ginsberg fut si frappé par l’auteur du Voyage au bout de la nuit, qu’il obtint, grâce à Michel Mohrt, de le rencontrer dans sa villa de Meudon ; et Kerouac, dans un Cahier de l’Herne consacré au docteur Destouches ne cacha pas combien il avait été influencé par celui-ci.
Partisans d’une « expression spontanée » nourrie de toutes les expériences, les « beats » rejoignent la démarche de certains surréalistes comme Michaux ou Antonin Artaud. En effet, le mysticisme oriental, le rêve, la drogue, sont des thèmes qu’ils affectionnent et auxquels il convient d’ajouter celui, typiquement américain, du vagabondage.
Les écrivains « beats » ne sont pas des politiques. Pourtant, certains d’entre eux sont sans conteste habités par une sensibilité de gauche ou plus exactement gauchiste. C’est le cas pour Ginsberg, Corso et Ferlinghetti – auteur de Tyrannus Nix, recueil de poèmes violemment hostiles au président Nixon. Pour ne se réclamer d’aucun système ni d’aucune idéologie précise, ces « anarcho-communistes » n’en ont pas moins pris parti avec tapage contre leur pays au moment de la guerre du Vietnam. Kerouac, lui, s’est toujours senti spontanément réactionnaire. Fort gênée, la critique française s’est, dans un bel ensemble, abstenue d’évoquer ce fait. Une bonne raison pour découvrir cette face cachée du « roi des beats ».
Le « petit agneau Jésus »
Jack Kerouac est né à Lowell, dans le Massachusetts, en 1922, d’une famille catholique d’origine canadienne française. L’éducation chrétienne qu’il reçut laissa en lui des traces profondes. Dans Visions de Gérard (1963), son roman le plus religieux, Kerouac, le chef de file des « beats », les entretient de la Vierge Marie. Du reste, il en voulut sans cesse à l’écrivain Norman Mailer d’avoir déblatéré sur la mort de Dieu. Sa passion pour le bouddhisme zen ne lui fit jamais renier sa foi catholique. C’est ainsi qu’il explique au poète Philip Whalen les consolations et la paix qu’il trouvait à prier sainte Thérèse et « le petit agneau Jésus ». Plus d’une fois, dans son balluchon d’errant, il lui arrivait d’emporter une Bible ou une image de Notre-Dame de Guadalupe pour laquelle il avait la plus grande dévotion.
Toute une jeunesse enthousiasmée par la lecture de Sur la route était loin de s’imaginer que son auteur faisait du stop au bord des autostrades un rosaire autour du cou et une médaille de saint Christophe, cousue amoureusement par sa mère, au revers de son sac à dos. Car aussi surprenant que cela puisse paraître, Kerouac, entre deux virées folles, revenait vivre chez sa maman (« Mémère »). Au sortir d’incessantes nuits d’alcool, l’espoir lui revenait d’enfin mener une vie apaisée, entouré d’une femme et d’enfants ; il pensait avec nostalgie à ses idéaux d’ado-lescent : décrocher une bourse pour l’Université et devenir champion sportif afin d’atteindre à la fameuse formule mens sana in corpore sano.
Avec la religion, il est un autre point sur lequel Kerouac ne transige pas, le patriotisme : « Je suis pro-américain (…). Ce pays a donné à ma famille l’occasion de s’en sortir, plus ou moins, et je ne vois aucune raison de vilipender ledit pays ».
Partisan de McCarthy
D’où des prises de position qui stupéfieront – et consterneront – ses amis. En pleine Guerre froide, il se déclare partisan convaincu de l’action répressive du sénateur McCarthy visant à mettre hors d’état de nuire les personnalités politiques et intellectuelles ayant des sympathies communistes. En 1956, lors des élections présidentielles – même s’il ne vote pas – il se prononce pour le général Eisenhower et contre le candidat progressiste Adlai Stevenson. L’ultra-conservatrice John Birch Society ? Il est pour ! S’abonne-t-il à une revue ? Il choisit la National Review de William Buckley, considéré par la gauche comme un « politicien fasciste » (en réalité un membre de l’aile droite du Parti républicain).
Couvert d’insultes par la gauche radicale, son anticommunisme ne fit que croître. Dans son dernier livre Vanité de Duluoz (1968), il tient à écrire que « le mensonge est devenu prédominant dans le monde grâce, entre autres, à la propagande de la dialectique marxiste et aux techniques de l’Internationale communiste ». Les dires répétés de Kerouac contre « le lavage de cerveau communiste » finiront par l’éloigner de ses camarades Ginsberg et Ferlinghetti. Favoriser ou tolérer le communisme, qu’il définissait comme une forme séditieuse de la contestation, c’était pour lui faire preuve d’un libéralisme suicidaire. L’alcool ne l’amenait pas à de plus tendres sentiments. Peter Orlowsky – poète de son état et « ami » de Ginsberg – témoigne : « Il me rabâchait sa haine des communistes, m’assurant qu’il était prêt à monter dans un arbre avec un fusil et à descendre les communistes, s’il le fallait ».
Kerouac n’a rien d’un doctrinaire ! Son état d’esprit dans le domaine politique correspond à celui de la « majorité silencieuse ». Plus d’une fois, il regrettait que ses voisins le prennent pour un hurluberlu, alors qu’il ne désirait être… qu’un bon patriote ! Même sur des problèmes comme celui de la drogue, ses vues ne laissent pas de surprendre : ainsi il était convaincu que le LSD avait été introduit par les Soviétiques aux États -Unis dans le but de s’en prendre au fondement moral du pays.
Kerouac était viscéralement attaché à la bannière étoilée : en visite chez des amis, il s’aperçut que le divan était recouvert d’un drapeau américain ; aussitôt, il l’enleva, le plia soigneusement et le reposa avant de s’asseoir. Les campagnes pro-vietcongs des Joan Baez, Jane Fonda et autres Bob Dylan le mettaient hors de lui ; il affirmait alors être demeuré un « marine » prêt à partir incontinent pour le Vietnam.
Les ancêtres français
Patriote américain, Kerouac était également très fier de ses lointains ancêtres français. C’est vers 1750 que le baron Alexandre Lebris de Kerouac quitta sa Bretagne pour le Canada où une terre lui avait été attribuée. Son livre Satori à Paris (1966) nous narre les tribulations de Jack parti découvrir, deux cent dix ans plus tard, les traces de son ancienne famille dont la devise était : « Aime, Souffre, Travaille ». Par-delà un voyage funambulesque, il découvre, un peu naïvement mais non sans émotion, ce pays où « les Bretons étaient contre les révolutionnaires, qui étaient des athées, qui tranchaient les têtes au nom de la fraternité, tandis que les Bretons avaient des raisons paternelles de rester fidèles à leur ancien mode de vie » ; cette remontée dans le temps l’amène à affirmer : « Je ne suis pas bouddhiste, je suis un catholique en pèlerinage sur cette terre ancestrale qui s’est battue pour le catholicisme, à dix contre un, et qui a pourtant fini par gagner, car certes, à l’aube, je vais entendre sonner le tocsin, les cloches vont sonner pour les morts ». De ces liens charnels, Kerouac en déduisit constamment que la France était sa véritable patrie.
L’importance de se rattacher à un passé, à un environnement n’a pas échappé à Kerouac qui écrit dans Vanité de Duluoz : « Partout dans le monde les intellectuels des villes vivent coupés de la terre et de ceux qui la cultivent, et ne sont en fin de compte que des insensés dépourvus de racines ». Il va jusqu’à s’en prendre à « toute cette ordure superficielle des existentialistes, des hipsters et des bourgeois décadents ».
Kerouac a perpétuellement essayé de se démarquer de l’étouffante étiquette de philosophe des bas-fonds. Après avoir lu Sur la route, les gens voulaient à tout prix que le mot « beat » ne signifiât qu’un « débordement de frénésie hystérique sans objet ». Kerouac, au cours de divers entretiens, ne cesse de proclamer que « la beat generation ce n’était pas les voyous, ni la canaille, les durs, les je-m’en-foutistes, ni les déracinés ». Pour lui, the « beat » désignait bien une route, mais la route de celui qui recherche la béatitude [du latin beatus : saint], à l’instar de saint François d’Assise.
Avant de s’éteindre « éreinté et accablé d’ennui » à l’âge de 47 ans, Kerouac, homme de tous les paradoxes, avait également tenu à préciser : « Je suis artiste et conteur, un écrivain dans la grande tradition narratrice française, et non le porte-parole d’un million de voyous ».
Philippe Vilgier, Le Choc du mois n° 5 (avril 1988)
Avec la parution de “Pic” – roman spontané et réaliste sur le milieu noir américain des années 40 – aux éditions de la Table Ronde, c’est maintenant la quasi-totalité de l’œuvre de Jack Kerouac (1922-1969) qui est disponible en français. Étonnante figure que Kerouac : prosateur talentueux, porte-parole des beatniks… et réactionnaire fieffé.
Jack Kerouac, c’est l’inventeur de la beat generation. La publication en 1957 de son roman Sur la route allait impressionner durablement toute une frange de la jeunesse américaine et européenne. Son mot l’ordre : « Lâchez tout, partez sur les routes ». Avec lui, la « virée frénétique », le « stop » prenaient une dimension littéraire.
Les écrivains de la beat generation sont issus de la bohème de San Francisco. Outre Kerouac, les plus intéressants ont pour noms : Allen Ginsberg, William Burroughs, Gregori Corso et Lawrence Ferlinghetti. Ensemble, au cours des années 1950-1960, ils ont marquer profondément la vie intellectuelle américaine. Leurs références ? Les auteurs du « décrochage » ; ceux pour qui la poésie est une manière de vivre : Whitman, mais aussi Baudelaire et Rimbaud. Et puis les stylistes. Joyce, et bien sûr Céline. Ginsberg fut si frappé par l’auteur du Voyage au bout de la nuit, qu’il obtint, grâce à Michel Mohrt, de le rencontrer dans sa villa de Meudon ; et Kerouac, dans un Cahier de l’Herne consacré au docteur Destouches ne cacha pas combien il avait été influencé par celui-ci.
Partisans d’une « expression spontanée » nourrie de toutes les expériences, les « beats » rejoignent la démarche de certains surréalistes comme Michaux ou Antonin Artaud. En effet, le mysticisme oriental, le rêve, la drogue, sont des thèmes qu’ils affectionnent et auxquels il convient d’ajouter celui, typiquement américain, du vagabondage.
Les écrivains « beats » ne sont pas des politiques. Pourtant, certains d’entre eux sont sans conteste habités par une sensibilité de gauche ou plus exactement gauchiste. C’est le cas pour Ginsberg, Corso et Ferlinghetti – auteur de Tyrannus Nix, recueil de poèmes violemment hostiles au président Nixon. Pour ne se réclamer d’aucun système ni d’aucune idéologie précise, ces « anarcho-communistes » n’en ont pas moins pris parti avec tapage contre leur pays au moment de la guerre du Vietnam. Kerouac, lui, s’est toujours senti spontanément réactionnaire. Fort gênée, la critique française s’est, dans un bel ensemble, abstenue d’évoquer ce fait. Une bonne raison pour découvrir cette face cachée du « roi des beats ».
Le « petit agneau Jésus »
Jack Kerouac est né à Lowell, dans le Massachusetts, en 1922, d’une famille catholique d’origine canadienne française. L’éducation chrétienne qu’il reçut laissa en lui des traces profondes. Dans Visions de Gérard (1963), son roman le plus religieux, Kerouac, le chef de file des « beats », les entretient de la Vierge Marie. Du reste, il en voulut sans cesse à l’écrivain Norman Mailer d’avoir déblatéré sur la mort de Dieu. Sa passion pour le bouddhisme zen ne lui fit jamais renier sa foi catholique. C’est ainsi qu’il explique au poète Philip Whalen les consolations et la paix qu’il trouvait à prier sainte Thérèse et « le petit agneau Jésus ». Plus d’une fois, dans son balluchon d’errant, il lui arrivait d’emporter une Bible ou une image de Notre-Dame de Guadalupe pour laquelle il avait la plus grande dévotion.
Toute une jeunesse enthousiasmée par la lecture de Sur la route était loin de s’imaginer que son auteur faisait du stop au bord des autostrades un rosaire autour du cou et une médaille de saint Christophe, cousue amoureusement par sa mère, au revers de son sac à dos. Car aussi surprenant que cela puisse paraître, Kerouac, entre deux virées folles, revenait vivre chez sa maman (« Mémère »). Au sortir d’incessantes nuits d’alcool, l’espoir lui revenait d’enfin mener une vie apaisée, entouré d’une femme et d’enfants ; il pensait avec nostalgie à ses idéaux d’ado-lescent : décrocher une bourse pour l’Université et devenir champion sportif afin d’atteindre à la fameuse formule mens sana in corpore sano.
Avec la religion, il est un autre point sur lequel Kerouac ne transige pas, le patriotisme : « Je suis pro-américain (…). Ce pays a donné à ma famille l’occasion de s’en sortir, plus ou moins, et je ne vois aucune raison de vilipender ledit pays ».
Partisan de McCarthy
D’où des prises de position qui stupéfieront – et consterneront – ses amis. En pleine Guerre froide, il se déclare partisan convaincu de l’action répressive du sénateur McCarthy visant à mettre hors d’état de nuire les personnalités politiques et intellectuelles ayant des sympathies communistes. En 1956, lors des élections présidentielles – même s’il ne vote pas – il se prononce pour le général Eisenhower et contre le candidat progressiste Adlai Stevenson. L’ultra-conservatrice John Birch Society ? Il est pour ! S’abonne-t-il à une revue ? Il choisit la National Review de William Buckley, considéré par la gauche comme un « politicien fasciste » (en réalité un membre de l’aile droite du Parti républicain).
Couvert d’insultes par la gauche radicale, son anticommunisme ne fit que croître. Dans son dernier livre Vanité de Duluoz (1968), il tient à écrire que « le mensonge est devenu prédominant dans le monde grâce, entre autres, à la propagande de la dialectique marxiste et aux techniques de l’Internationale communiste ». Les dires répétés de Kerouac contre « le lavage de cerveau communiste » finiront par l’éloigner de ses camarades Ginsberg et Ferlinghetti. Favoriser ou tolérer le communisme, qu’il définissait comme une forme séditieuse de la contestation, c’était pour lui faire preuve d’un libéralisme suicidaire. L’alcool ne l’amenait pas à de plus tendres sentiments. Peter Orlowsky – poète de son état et « ami » de Ginsberg – témoigne : « Il me rabâchait sa haine des communistes, m’assurant qu’il était prêt à monter dans un arbre avec un fusil et à descendre les communistes, s’il le fallait ».
Kerouac n’a rien d’un doctrinaire ! Son état d’esprit dans le domaine politique correspond à celui de la « majorité silencieuse ». Plus d’une fois, il regrettait que ses voisins le prennent pour un hurluberlu, alors qu’il ne désirait être… qu’un bon patriote ! Même sur des problèmes comme celui de la drogue, ses vues ne laissent pas de surprendre : ainsi il était convaincu que le LSD avait été introduit par les Soviétiques aux États -Unis dans le but de s’en prendre au fondement moral du pays.
Kerouac était viscéralement attaché à la bannière étoilée : en visite chez des amis, il s’aperçut que le divan était recouvert d’un drapeau américain ; aussitôt, il l’enleva, le plia soigneusement et le reposa avant de s’asseoir. Les campagnes pro-vietcongs des Joan Baez, Jane Fonda et autres Bob Dylan le mettaient hors de lui ; il affirmait alors être demeuré un « marine » prêt à partir incontinent pour le Vietnam.
Les ancêtres français
Patriote américain, Kerouac était également très fier de ses lointains ancêtres français. C’est vers 1750 que le baron Alexandre Lebris de Kerouac quitta sa Bretagne pour le Canada où une terre lui avait été attribuée. Son livre Satori à Paris (1966) nous narre les tribulations de Jack parti découvrir, deux cent dix ans plus tard, les traces de son ancienne famille dont la devise était : « Aime, Souffre, Travaille ». Par-delà un voyage funambulesque, il découvre, un peu naïvement mais non sans émotion, ce pays où « les Bretons étaient contre les révolutionnaires, qui étaient des athées, qui tranchaient les têtes au nom de la fraternité, tandis que les Bretons avaient des raisons paternelles de rester fidèles à leur ancien mode de vie » ; cette remontée dans le temps l’amène à affirmer : « Je ne suis pas bouddhiste, je suis un catholique en pèlerinage sur cette terre ancestrale qui s’est battue pour le catholicisme, à dix contre un, et qui a pourtant fini par gagner, car certes, à l’aube, je vais entendre sonner le tocsin, les cloches vont sonner pour les morts ». De ces liens charnels, Kerouac en déduisit constamment que la France était sa véritable patrie.
L’importance de se rattacher à un passé, à un environnement n’a pas échappé à Kerouac qui écrit dans Vanité de Duluoz : « Partout dans le monde les intellectuels des villes vivent coupés de la terre et de ceux qui la cultivent, et ne sont en fin de compte que des insensés dépourvus de racines ». Il va jusqu’à s’en prendre à « toute cette ordure superficielle des existentialistes, des hipsters et des bourgeois décadents ».
Kerouac a perpétuellement essayé de se démarquer de l’étouffante étiquette de philosophe des bas-fonds. Après avoir lu Sur la route, les gens voulaient à tout prix que le mot « beat » ne signifiât qu’un « débordement de frénésie hystérique sans objet ». Kerouac, au cours de divers entretiens, ne cesse de proclamer que « la beat generation ce n’était pas les voyous, ni la canaille, les durs, les je-m’en-foutistes, ni les déracinés ». Pour lui, the « beat » désignait bien une route, mais la route de celui qui recherche la béatitude [du latin beatus : saint], à l’instar de saint François d’Assise.
Avant de s’éteindre « éreinté et accablé d’ennui » à l’âge de 47 ans, Kerouac, homme de tous les paradoxes, avait également tenu à préciser : « Je suis artiste et conteur, un écrivain dans la grande tradition narratrice française, et non le porte-parole d’un million de voyous ».
Philippe Vilgier, Le Choc du mois n° 5 (avril 1988)
neo-codion- Messages : 1946
Date d'inscription : 03/08/2011
Re: Jack Kerouac
Les phrases de Kerouac sont aussi sobres qu'un dessin japonais, pure ligne tracée par une main sans support, et qui traverse les âges et les règnes. Il fallait un vrai alcoolique pour atteindre à cette sobriété-là.
Gilles DELEUZE
Gilles DELEUZE
oiseaulys- Messages : 356
Date d'inscription : 01/08/2011
Re: Jack Kerouac
Merci pour cette biographie très intéressante neo-codion.neo-codion a écrit:Jack Kerouac, le beatnik anticommuniste
...
Philippe Vilgier, Le Choc du mois n° 5 (avril 1988)
Re: Jack Kerouac
L'article est effectivement très intéressant... malgré les références un peu "marquées"
Mais ça ne m'étonne pas de neo et finalement ça correspond assez bien au "profil" de Kerouac
Mais ça ne m'étonne pas de neo et finalement ça correspond assez bien au "profil" de Kerouac
hipnik- Messages : 1554
Date d'inscription : 01/08/2011
Re: Jack Kerouac
??hipnik a écrit:
Mais ça ne m'étonne pas de neo
Je suis très déçu, moi qui pensais t'étonner !
neo-codion- Messages : 1946
Date d'inscription : 03/08/2011
Re: Jack Kerouac
Le 12 octobre 1965 Jack Kerouac adresse une lettre à Sterling Lord, son agent : « Continuez à envoyer SATORI A PARIS aux éditeurs. Je crois qu'ils sont tous furieux d'apprendre que je suis le descendant de nobles bretons plutôt que le bâtard anonyme né de leurs propres préjugés. »
« Les bretons étaient contre les révolutionnaires, qui étaient des athées, qui tranchaient les têtes au nom de la fraternité, tandis que les bretons avaient des raisons paternelles de rester fidèles à leur ancien mode de vie. »
« Partout dans le monde les intellectuels des villes vivent coupés de la terre et de ceux qui la cultivent, et ne sont en fin de compte que des insensés dépourvus de racines (...) toute cette ordure superficielle des existentialistes, des hipsters et des bourgeois décadents. »
« Pour moi le mot "beat" ne signifie pas "débordement de frénésie hystérique sans objet", la "beat generation" ce n'était pas les voyous, ni la canaille, les durs, les je-m'en-foutistes, ni les déracinés. Pour moi, the "beat" désigne bien une route, mais la route de celui qui recherche la "béatitude", à l'instar de Saint François d'Assise. Je suis artiste et conteur, un écrivain dans la grande tradition narratrice française et non le porte-parole d'un million de voyous. ».
« Les bretons étaient contre les révolutionnaires, qui étaient des athées, qui tranchaient les têtes au nom de la fraternité, tandis que les bretons avaient des raisons paternelles de rester fidèles à leur ancien mode de vie. »
« Partout dans le monde les intellectuels des villes vivent coupés de la terre et de ceux qui la cultivent, et ne sont en fin de compte que des insensés dépourvus de racines (...) toute cette ordure superficielle des existentialistes, des hipsters et des bourgeois décadents. »
« Pour moi le mot "beat" ne signifie pas "débordement de frénésie hystérique sans objet", la "beat generation" ce n'était pas les voyous, ni la canaille, les durs, les je-m'en-foutistes, ni les déracinés. Pour moi, the "beat" désigne bien une route, mais la route de celui qui recherche la "béatitude", à l'instar de Saint François d'Assise. Je suis artiste et conteur, un écrivain dans la grande tradition narratrice française et non le porte-parole d'un million de voyous. ».
maxiton- Messages : 6
Date d'inscription : 26/09/2013
Re: Jack Kerouac
Kerouac, le chantre de la jeunesse révoltée et pacifiste des sixties, était pour la guerre que menaient les Américains au Vietnam, professait des idées cathos et réacs et détestait les hippies.
J'aime bien ces paradoxes et ces malentendus.
Il y a aussi le cas de Barjavel. Son livre Les Chemins de Katmandou fut une véritable bible pour les hippies qui, la plupart du temps, ignoraient que Barjavel avait été, durant la guerre, un écrivain collaborationniste écrivant dans Je suis partout journal qui souhaitait ouvertement la victoire de l'Allemagne et dont le rédacteur en chef a été fusillé à la Libération.
http://barjaweb.free.fr/SITE/ecrits/Katmandou/katmandou.html
J'aime bien ces paradoxes et ces malentendus.
Il y a aussi le cas de Barjavel. Son livre Les Chemins de Katmandou fut une véritable bible pour les hippies qui, la plupart du temps, ignoraient que Barjavel avait été, durant la guerre, un écrivain collaborationniste écrivant dans Je suis partout journal qui souhaitait ouvertement la victoire de l'Allemagne et dont le rédacteur en chef a été fusillé à la Libération.
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mimi pinçon- Messages : 1127
Date d'inscription : 18/11/2011
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