BD d'auteur : Buzzati

Critique [evene]
par Mikaël Demets
C’est une pièce rare que propose l’éditeur Actes Sud avec cette version du mythe d’Orphée revisitée par l’écrivain italien Dino Buzzati en 1969. Non seulement l’auteur du ‘K’ propose une relecture du mythe, modernisé et modifié, mais il innove aussi par la forme qu’il y consacre en imaginant une alliance osée mais ô combien alchimique entre la poésie et le dessin (d’où le “poema e fumetti” de la version originale). Il ne se contente pas de scénariser un album, mais se charge lui-même des illustrations, avec un talent que l’on ne lui connaissait pas. Buzzati dessine le Milan des années 1960 et le monde des Enfers en y glissant tout ce qu’il aime - il cite lui-même ses références en exergue de l’ouvrage -, s’appropriant aussi bien Dali que Murnau, Fellini ou De Chirico. Très influencé par le surréalisme, marqué par l’érotisme et les femmes, omniprésentes dans ces pages, l’Italien met en scène un monde onirique chargé de poésie, dans lequel les mots et les illustrations se font mutuellement écho. Si le talent d’écriture de Buzzati est connu, son dessin l’est beaucoup moins. A tort, quand on découvre sa capacité à installer des ambiances, à varier son trait, à jouer avec les couleurs, ou à osciller entre un réalisme géométrique et des univers symboliques merveilleux. Et lorsque ses mots fusionnent avec ses images, cela donne naissance à un album animé d’un souffle extraordinaire, toujours aussi surprenant même 40 ans après sa création.